— Respecter les handicaps invisibles —
J’ai écrit cette museletter il y a quelques semaines déjà. Je n’étais pas sûre de vous l’envoyer un jour. Puis il y a quinze jours, j’ai eu l’honneur de participer à la relecture d’un texte autobiographique écrit par une grande dyslexique. Puis cette semaine, j’ai reçu une lettre d’une amie diagnostiquée TDA – HP ( Troubles De l’Attention et Haut Potentiel ) qui me partageait le manque de soutien ambiant face à la reconnaissance de son neuro-atypique… Je me suis dit alors que ce texte a avait toute sa place.
Lorsque j’ai commencé à parler autour de moi de mon burn ou du profil neuro-atypique de mon fils, j’ai été confrontée à des situations similaires : certaines personnes ne comprenaient pas et/ou essayaient de gommer la radicalité de la réalité pour y voir du beau voire du poétique.
Par exemple, en parlant de l’handicap de mon fils, j’ai pu entendre « non mais ce n’est pas un handicap, c’est juste une manière différente de voir le monde ». Ce qui est vrai en soi. Des études se penchent enfin sur ce que les enfants atteints de troubles dys sont capables de faire ( avoir une vision globale du monde, une sensibilité toute particulière, etc…) plutôt que de se focaliser sur leurs incapacités.
Néanmoins, même si nous pouvons rêver d’une société plus inclusive où les enfants dys seront respectés et valorisés dans leurs potentiels, â l’heure actuelle avoir des troubles dys ou TDA est un handicap.
– Nommer la réalité –
J’entends la tentative de bienveillance derrière cette phrase. Voir du beau là où la société ne voit que du vide, ça fait parti de l’accompagnement en tant que parent. Par contre, refuser de regarder les choses telles qu’elles sont, c’est se couper de moyen d’action et rajouter une couche de violence sur la situation.
Oui, ne pas réussir à se concentrer plus d’un quart d’heure, c’est un handicap. Oui être parasité par le moindre petit bruit, à longueurs de journée, c’est un handicap. Oui, devoir puiser dans toutes ses ressources de concentration pour écrire trois mots, c’est un handicap. Car cela a pour conséquence une incapacité à vivre sereinement au sein d’un groupe social.
Ne pas le reconnaître revient à ne pas reconnaître la souffrance de l’autre. Ne pas le reconnaître, c’est lui imposer d’avancer à un rythme qui n’est pas le sien. Ne pas le reconnaître, c’est se couper de la possibilité de l’accompagner dans ses réels besoins.

– Nommer un chat un chat –
Refuser de nommer les choses telle qu’elles sont et essayer d’arrondir les angles, c’est refuser de trouver des solutions et de s’adapter à une situation. Refuser de reconnaitre un état de burn out, c’est comme si vous demandiez à une personne de porter un sac de 60kg et de faire la même rando que ceux qui n’en porte que 25. Refuser de reconnaitre l’handicap invisible d’un enfant, c’est comme demander à un enfant uni-jambiste de courir à la même vitesse que les enfants valides. C’est à la fois impossible, irrespectueux et c’est mettre l’enfant dans la situation d’un échec dont il n’est pas responsable.
Reconnaitre un handicap, ce n’est ni s’apitoyer sur son sort, ni succomber à une fatalité. Bien au contraire, reconnaitre un handicap, c’est reconnaitre la réalité pour pouvoir accueillir l’autre dans ce qu’il est et ajuster son accompagnement pour le rendre respectueux et soutenant pour la personne.
Pour un enfant uni-jambiste, c’est lui offrir une prothèse crée sur mesure et lui donner un accompagnement spécialisé en handisport pour lui apprendre à faire la même course que les autres mais à son rythme et à la hauteur de ses capacités. Peut-être même qu’un jour pourra-t-il concourrir aux épreuves handi-sport des jeux olympiques – et donc concrètement être capable de prouesses sportives bien supérieures au commun des mortels – mais tout cela ne sera possible que parce qu’il aura reçu un accompagnement spécifique.
Et bien c’est pareil pour un handicap invisible, burn out ou neuroatypisme, c’est prendre en compte la réalité de l’autre et accepter de s’adapter soi, pour permettre à l’autre d’être respecter. Oui c’est accepter de se transformer pour accueillir et ajuster un quotidien pour que son enfant soit respecté dans les étapes de sont apprentissage.
– Pourquoi ça dérange –
Nier la situation est bien souvent le fait du dominant. Un patron qui va nier sa responsabilité dans le burn out d’un de ses salariés, un homme blanc qui va nier avoir reçu des privilèges relevant de sa masculinité et de sa blanchitude, un parents qui va nier autant que possible l’handicap invisible de son enfant. Pourquoi ? Parce que reconnaitre les faits, c’est reconnaitre que l’on a infligé, parfois sans le vouloir, ni le savoir, des violences aux autres. Cela demande souvent de modifier ses habitudes et voire même — et là nous touchons au cœur du système — reconnaitre que l’on a soi-même reçu beaucoup de violence et que jusqu’ici, nous trouvions ça normal.
Il est hyper important également de nommer que la reconnaissance de ces troubles neuro typiques est extrêmement inégale , Aujourd’hui , nous savons que les femmes sont 40% de moins à être diagnostiquées dans leurs troubles et ce y compris lorsqu’il s’agit de troubles autistiques . Pourquoi ? Parce que les femmes ont appris à se sur adapter depuis petite.
Osez regarder autour de vous, et observez les profils des personnes que vous aimez. Si je prends l’exemple de ma famille par exemple, j’ai un cousin maniaco-dépressif, un autre dyslexique. Ça a été dur pour la famille, c’est un parcours long et difficile d’accompagner un enfant maniaco-dépressif, mais il était diagnostiqué, il y avait un mot palpable et compréhensible sur ce qu’il vivait. Et dans la difficulté, ils ont tous pu bénéficier d’une compréhension de l’entourage.
Par contre côté féminin, j’ai une mère qui a sombré dans la folie et une cousine qui s’est suicidée. Si ma mère et ma cousine avait été diagnostiquées correctement ( les deux pour moi relève de neuro-atypisme assez poussé ), auraient-elles pu bénéficier d’un soutien de leur entourage ? D’une compréhension de la part de la communauté ? D’un accompagnement médical spécifique ?

J’ai envie de terminer en parlant de l’importance du soin de la communauté. Beaucoup de cultures jugées primaires par les occidentaux savent que lorsqu’une personne est malade, il faut soigner l’ensemble de la famille. Agir de la sorte permet à chacun de reprendre sa responsabilité vis à vis de l’histoire familiale et de souder des liens dans la solidarité.
Là où notre société met des œillères pour écarter toute personne en souffrance, ces cultures ont compris que c’étaient ensemble que nous pouvons respecter le vivant. Lorsque nous nous coupons à l’autre, nous nous coupons aussi à nous-mêmes. Lorsque nous refusons l’handicap ou les faiblesses de l’autre, nous nous privons de l’enrichissement d’une relation.
Voilà, merci de m’avoir lue jusqu’ici. Cette museletter me semble plus floue que certaines, mais c’est Ok, tout n’a pas besoin d’être parfait. Je te souhaite une agréable journée !
Élodie
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